Vignes

La vigne résistante au mildiou arrive

 

par Louis Chauveau in Sciences et Avenir

 

L’Inra signe aujourd’hui au Salon de l’Agriculture un partenariat avec l’interprofession viticole pour tester de nouvelles variétés de vignes résistantes au mildiou et à l’oïdium. Une initiative qui pourrait bouleverser vignobles et vins.

 

PRESSION. Avec 780.000 hectares, la viticulture française représente moins de 4% de la surface agricole utile mais engloutit 20% des pesticides épandus. Même si le vin bio progresse, la situation n’est pas près de changer tant la pression de deux champignons microscopiques sur la vigne est intense. Mildiou et oïdium apparaissent dès que les conditions météo leur sont favorables (temps sec pour l’oïdium, humide pour le mildiou) et les produits chimiques ou bio (le sulfate de cuivre autorisé à des doses plus faibles qu’en conventionnel) ne font que limiter les dégâts. La seule véritable alternative : la création de nouvelles variétés résistantes à ces maladies foliaires.

 

Ce que les professions viticoles et l’Inra vont signer aujourd’hui au Salon de l’Agriculture, c’est un partenariat pour un test grandeur nature. De nouvelles variétés vont être plantées dans des parcelles de moins d’un hectare dans chacune des grandes régions viticoles pour tenir compte des spécificités climatiques des vignobles. Cet « observatoire national du déploiement des cépages résistants » (OsCaR) est destiné à tester la durabilité des résistances d’une vingtaine de variétés possédant un gène de résistance (les souches Bousquet) et la trentaine en ayant plusieurs (les souches Resdur). « Ces parcelles vont faire l’objet d’une surveillance attentive car les gènes de résistance sont peu nombreux et il suffirait qu’une nouvelle souche de pathogène arrive à contourner la résistance pour que le gène que nous avons patiemment inséré par hybridation dans le patrimoine de la nouvelle variété soit définitivement perdu « , expose Christian Huygue, directeur scientifique agriculture à l’Inra.

 

Des dizaines d’années de croisements

 

HYBRIDES. C’est que créer une variété résistante qui produise par ailleurs un vin de grande qualité est un long travail de patience. Dès la catastrophe de l’arrivée du phylloxéra dans les années 1860, la viticulture a cherché à créer de nouvelles variétés en croisant Vitis vinifera, l’espèce européenne qui produit nos vins, avec des souches américaines résistantes comme Vitis riparia ou Vitis amurensis. Las ! Les hybrides obtenus produisaient en abondance des breuvages au goût « foxé  » désagréable. Ils ont donc été abandonnés.

 

Si on revient aujourd’hui à cette solution, c’est que les techniques génétiques permettent de piloter plus précisément une hybridation qui mène à des cépages gardant toutes les qualités de goût et d’arôme tout en ayant intégré un ou des gènes de résistance.  » Dès 1974, l’Inra a incorporé par croisement dans la vigne européenne des facteurs de résistance portés par Muscadinia rotundifolia, une espèce cultivée dans le sud-est des Etats-Unis que les chercheurs avaient retenus pour sa résistance totale à l’oïdium et au mildiou et ce malgré les difficultés de l’hybrider avec Vitis vinifera « , poursuit Christian Huygue. Il faut 7 générations de re-croisements successifs pour réaliser l’incorporation des facteurs de résistance sans toucher au patrimoine génétique à l’origine de la qualité des raisins.

 

Entasser les gènes pour contrer les stratégies de contournement du mildiou

 

MULTI-RÉSISTANCE. Cette première génération a cependant un défaut : leur résistance provient d’un gène seulement pour l’oïdium et un pour le mildiou. Ils peuvent donc être plus facilement contournés par les champignons. Il est préférable d’obtenir une multi-résistance grâce à l’action de plusieurs gènes. A partir de 2000, l’Inra s’est attaché à coupler les résistances de la première génération avec des hybrides présentant des formes de résistances des variétés américaines. Les descendances ont ainsi pu obtenir jusqu’à trois gènes de résistance.

 

Les nouveaux cépages obtenus sont aujourd’hui en cours d’inscription aux catalogues des variétés autorisées à être plantées. Elles doivent pour cela montrer des qualités de distinction (originalité vis-à-vis des autres variétés) d’homogénéité et de stabilité et démontrer leur « valeur agronomique technologique et environnementale ». Une cinquantaine de variétés viennent d’entrer dans cette démarche réglementaire. Quatre devraient être acceptées fin 2017. Il faut cependant sans attendre préparer les parcelles qui vont permettre de vérifier que les variétés sont bien résistantes et mettre en place le protocole de surveillance. Les gènes de résistance sont en effet si peu nombreux qu’il faut tout mettre en œuvre pour les sauvegarder. « Si nous devions constater une attaque de mildiou sur un cep résistant, il faudrait tout de suite détruire le foyer d’infestation pour éviter que le champignon mutant n’aille contaminer le reste du vignoble, détruisant ainsi tous nos efforts « , prévient Jean-Pierre Van Ruyskensvelde, directeur général de l’Institut français du vin, l’organisme technique qui collabore avec l’Inra sur ce projet.

 

RÉVOLUTION. Si l’on parle aujourd’hui de révolution viticole, c’est pour une double raison. La première, c’est qu’une viticulture sans pesticides devient possible. « On peut espérer une réduction de 80% des traitements « , précise Christian Huygue. La seconde, c’est que pour obtenir ce résultat, il faudra remplacer totalement le vignoble français. Aujourd’hui, Merlot, Cabernet Sauvignon, Pinot noir sont les cépages les plus cultivés mais aussi les plus recherchées par les consommateurs. Dans quelques décennies, les amateurs de vin devront s’habituer à d’autres noms. Il faudra beaucoup de millésimes pour accepter ces changements d’étiquettes.