Verre de Vin

Nouvelle vague de fraîcheur

Crédits: Claire Furet-Gavallet in Vitisphère

 
Dans le bordelais, un laboratoire se met à doser le salicylate de méthyle, un composé qui donne de la fraîcheur aux vins rouges.

« Nous sommes partis d’un constat: un de nos merlots, sur terroir sableux, avait un caractère cuit avec une faible acidité, notamment à cause de la contrainte hydrique sur ce type de sols, introduit Damien Bielle, directeur technique du château La Gaffelière à Saint-Emilion. Pour lui apporter plus de fraîcheur, nous avons eu l’idée de travailler avec des grappes entières depuis trois ans ».

Aujourd’hui, le château La Gaffelière ajoute, selon les parcelles, entre 25 et 45 % de grappes entières non foulées dans ses cuves. « Après pressurage, il reste des sucres résiduels. Malgré cela, les fermentations se terminent en phase liquide tranquillement », explique le directeur technique.

A la dégustation, les vins semblent plus équilibrés. « Lors de nos premiers essais, nous avons tout de suite perçu une différence. Les vins, grand et second, avaient une fraicheur végétale combinée à une amertume très intéressante, sur des notes de cacao. »

Une intuition prouvée par l’analyse

Pour les vendanges 2018, le château a pu déterminer l’origine de cette fraîcheur amenée par la vendange non éraflée. Il a fait analyser ses moûts et vins en fermentation par le laboratoire Oenoteam à Libourne, nouvellement équipé d’un nouveau matériel d’analyse de notes végétales.

« La différence vient de la présence de salicylate de méthyle », indique Damien Bielle. A ne pas confondre avec l’IBMP surtout présent dans le cabernet sauvignon, qui apporte des notes de poivron vert. Principalement localisé dans la rafle, le salicylate de méthyle est décrit comme « camphré, médicinal, herbacé et frais » par Xavier Poitou, dans sa thèse soutenue en 2016 à l’ISVV.

Ce composé volatil est produit par la vigne en réaction à des attaques parasitaires, notamment du mildiou et de l’esca. Le doctorant a détecté en moyenne 18,7 µg/L de salicylate de méthyle dans les 98 échantillons de vins qu’il a analysés entre 2002 et 2014.

« Cette première année de test sur le terrain confirme ces résultats » ,explique Marie-Laure Badet-Murat, œnologue associé et responsable recherche et développement du laboratoire libournais. « Les teneurs en salicylate de méthyle augmentent significativement au cours de la cuvaison, même sur des lots 100% éraflés. Les dégustateurs perçoivent une différence dès 40 µg/L. lors de tests triangulaires : une sensation en bouche agréable avec des nuances fraîches ». Le composé semble donc perceptible en dessous du seuil de 63 µg/L défini par Xavier Poitou dans sa thèse.

« Nous nous intéressons aussi au salicylate de méthyle pour ses qualités de marqueur de la pression parasitaire au vignoble pas seulement pour son intérêt organoleptique », ajoute l’œnologue.

L’année prochaine sera décisive puisque les analyses sur raisins démarreront. « De nombreux viticulteurs sont intéressés. Nous souhaitons rendre cette analyse accessible. », détaille l’œnologue. En plus d’amener de la fraîcheur, le salicylate de méthyle pourrait bien devenir un indicateur d’attaque de parasite au vignoble.