ZNT Riverain

« Monsieur le Ministre, nous vous demandons de supprimer l’article créant des ZNT riverain »

 
Par Marion Sepeau Ivaldi Sur Vitisphère
 
 
Des vignes résistantes aux maladies. Bernard Farges, président de la Cnaoc, rappelle dans sa lettre au ministre que la viticulture s’est engagée dans un mouvement visant l’amélioration de ses pratiques et notamment à travers le matériel végétal résistant. – crédit photo : Marion Sepeau Ivaldi
 
 
Bernard Farges, président de la Cnaoc, a envoyé ce 24 octobre une lettre ouverte au ministre de l’agriculture, Stéphane le Foll, pour lui demander de retirer l’article prévoyant la création des ZNT riverains.

 

Faire disparaître l’article 21 du projet d’arrêté fixant les conditions d’emploi des produits phytosanitaires : telle est la demande, on ne peut plus claire, de Bernard Farges, président de la Confédération nationale des appellations d’origine contrôlée. Ce texte prévoit l’instauration sur les parcelles de vigne d’une zone de 5 mètres où les traitements sont interdits. Selon la Cnaoc, c’est plusieurs milliers d’hectares de vignes qui pourraient disparaître purement et simplement. Mais au-delà de pertes de productivité, c’est l’efficacité même de la mesure qui interroge le syndicat. Pour la Cnaoc : c’est de la poudre aux yeux et une réponse politique à une inquiétude médiatique. « En créant cette zone, d’autorité, vous n’apporterez de solution à aucune question de santé, mais encore, vous ferez reculer la protection de l’environnement et de la santé publique. Vous sauverez des apparences, créerez une illusion temporaire, mais vous ne réglerez rien » écrit Bernard Farges qui indique plus loin : le projet d’article « n’est ni efficace pour la réduction des quantités de produits phytosanitaires, ni utile pour la protection de nos familles et voisins ».

 

Des tensions exacerbées

 

Pire la Cnaoc pense que ce genre de disposition réglementaire ne ferait qu’accroître les tensions entre les riverains et les viticulteurs. « Vous ne ferez qu’exacerber des tensions déjà très fortes sur le terrain entre les viticulteurs, leurs salariés et leurs voisins» tempête Bernard Farges dans sa lettre. Interrogé par téléphone, il complète en remarquant que même les associations de salariés agricoles et de victimes des produits phytosanitaires partagent cette analyse et en remarquant que de plus en plus d’initiatives sont créées pour que les riverains et les viticulteurs s’accordent sur les problématiques liées aux traitements.

 

Remise en question du droit de propriété

 

L’article 21 remet aussi en question le droit de propriété. Car c’est sur les terres des viticulteurs que s’applique l’interdiction de traiter. « Désormais, le droit d’édifier une construction à usage d’habitation sur sa propriété aura immédiatement des conséquences sur le droit du viticulteur voisin, quand bien même la vigne serait en place. Ces conséquences sont-elles conformes au droit de propriété garanti par la constitution ? Nous refusons que par un simple arrêté, vous donniez le droit à chaque lotisseur, chaque citoyen bâtisseur, le droit de faire reculer la vigne » s’indigne Bernard Farges qui s’inquiète d’un possible recul de la vigne au rythme des constructions de lotissements.

 
« Si les molécules sont à ce point nocives retirez-les du marché ! « 
 

Enfin, la lettre pose la question de la santé des viticulteurs et de leur famille, inquiétude réelle du vignoble qui s’exprime rarement. « Ce texte met dans l’esprit que la vigne est dangereuse et qu’il faut l’éloigner de tout. Si on est persuadé que les riverains sont en danger alors qu’ils ne sont pas dans les conditions expositions des viticulteurs, on peut se demander quels sont les risques encourus par ceux qui traitent ? » s’interroge Bernard Farges, alors qu’il commente sa lettre. Et de remarquer que les autorisations de mise sur le marché prennent déjà en compte le risque riverain. « Avec ce projet de texte, on laisse penser que les produits sont dangereux. Si c’est le cas, il faut les interdire ». C’est pour cela que Bernard Farges, fidèle à son discours volontariste sur l’environnement, termine sa lettre en interpellant le ministre de l’agriculture : « Vous devez prendre des mesures pour protéger les applicateurs et les salariés et vous devez mettre sous pression les firmes phytosanitaires dont nous ne nous souhaitons plus être les otages. Enfin, si les molécules sont à ce point nocives pour nos salariés, nos familles, nos enfants, nos voisins, retirez-les du marché ! »