B par Maucaillou

La justice va dire si un vin de négoce peut revendiquer le nom d’un château dont il n’est pas issu

Crédits: Alexandre Abellan in Vitisphère

 

« Le B par Maucaillou » est le premier nom de marque domaniale à passer devant le tribunal correctionnel. Alors que d’autres devraient suivre, le point sur les enjeux de ce sujet hautement sensible avant le délibéré, ce 12 décembre.

 

Ce 28 novembre à 14 heures, la quatrième chambre du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux se penche pour la première fois une marque dite domaniale: « le B par Maucaillou », vin de négoce commercialisé sous un nom le rattachant au château Maucaillou (Moulis-en-Médoc). Suite à ses contrôles en septembre 2018, le pôle C de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence et de la Consommation (Direccte) a estimé que le nom commercial « le B par Maucaillou » pouvait créer une représentation trompeuse dans l’esprit du consommateur.
 
Poursuivie sur la période allant de 2014 à 2019 (pour 957 000 cols de rouge commercialisés de 2015 à 2017), cette pratique serait propre à induire l’esprit de l’acheteur en erreur sur les qualités substantielles et la nature du produit, alors que les vins utilisés dans son assemblage ne sont pas issus de l’assiette foncière ayant contribué à la renommée du terme Maucaillou. D’après les relevés de la Direccte, 55 % du Bordeaux rouge Maucaillou est ainsi issu du château de Beaurivage (acheté en 2003) et le solde d’achats du négoce les Notables de Maucaillou. Témoigne d’une possible confusion la dernière vente flash du site Un Jour Un Vin, qui mettaient en vente du 27 au 28 octobre derniers « le B par Maucaillou » en mettant en avant les arguments commerciaux du château Maucaillou : « une histoire viticole remontant au règne de Louis Philippe, ce château est dirigé par Pascal Dourthe. Grâce à un savoir-faire et des soins méticuleux, les vins atteignent une classe exceptionnelle. »
 
Pour trancher sur ce dossier sensible, la justice fait passer à la barre Pascal Dourthe, le copropriétaire du château Maucaillou, et son négoce, les Notables de Maucaillou, qui n’ont pas souhaité commenter l’affaire. Lancée en 2012, la marque « le Bordeaux de Maucaillou » est devenue depuis 2017 le « B par Maucaillou ». Ont également été déposés à l’INPI « le B de Maucaillou », « la rosée de Maucaillou » ou la « Tentation de Maucaillou ». Cette dernière marque a été lancée au printemps 2019 avec 20 000 cols de crémants produits par la société Célène, avec l’objectif de tripler la production à terme.
 

Conflit administratif

S’étant multipliées ces dernières années, les étiquettes bordelaises utilisant un nom de château iconique pour valoriser des vins en vrac « sélectionnés » par la propriété sont dans le viseur de la Direccte et de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (Inao). Ayant alerté la filière sur les risques des marques domaniales dans un courrier de juin 2018, l’administration a vu sa mise en garde attaqué devant le tribunal administratif par les négoces bordelais et nationaux (l’Union des Maisons de Bordeaux et l’Union des Maisons et Marques de Vin) et le Conseil des Crus Classés en 1855 (de Médoc et de Sauternes).
 
Plus réservé, le vignoble girondin fait jouer le principe de précaution, comme le directeur de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, Yann Le Goaster, le souligne dans le numéro de février dernier de l’Union Girondine : « il est vivement recommandé de commercialiser sous une marque domaniale des vins exclusivement issus de l’exploitation qui les produit ». Ajoutant que « si les vins commercialisés sous cette marque provenaient d’achats de vendange ou de vin », le risque de jugement d’une pratique commerciale trompeuse est élevé, « car la marque domaniale reprend le nom du château sous lequel le vin a acquis sa notoriété auprès des consommateurs ».Premier d’une sérieSi des actions de mise en conformité d’étiquettes ont été menées par des propriétés, d’autres dossiers sont attendus dans les tribunaux. La marque « le B par Maucaillou » étant la première d’une série, son analyse par les juges bordelais donnera la température pour les suivants.
 

Délibéré le 12 décembre

Lors de son réquisitoire, le procureur de la quatrième chambre du TGI de Bordeaux a requis, avec sursis, une peine de 6 mois de prison et de 500 000 euros à l’encontre de Pascal Dourthe. Le délibéré sera rendu ce 12 décembre. Trois parties civiles se sont constituées : INAO, FGVB et Confédération Paysanne.