Gérard Basset

Hommage à Gérard Basset: 7 sommeliers témoignent

Crédits: Un Oeil en Salle

 

Couronné Meilleur sommelier du monde en 2010, Gérard Basset, le plus titré des sommeliers, s’est éteint mercredi 16 janvier au Royaume-Uni, son pays d’adoption, au terme d’une longue maladie. Apprécié et respecté de tous, il laisse la sommellerie internationale en deuil. “Mentor” pour Pascaline Lepeltier, “père spirituel” pour Franck Massard et Joelle Marti-Baron, ami et camarade de concours pour Philippe Faure-Brac, Serge Dubs, Denis Verneau ou Christophe Brunet, sept professionnels parlent de l’Homme généreux qu’était Gérard Basset.

 


 

Philippe Faure-Brac, président de l’UDSF : « L’Homme était… compliqué de trouver les mots dans ces moments-là… extrêmement accessible, profondément gentil. Il a excellé toute sa carrière, sans rien lâcher ; il est le sommelier qui a gagné le plus de titres : Meilleur sommelier international des vins français 1992, Meilleur sommelier d’Europe 1996, Meilleur sommelier du Monde 2010… Il avait une sorte d’« apprendre » plutôt que de « gagner ». Il aimait partager, et avait ce côté généreux, généreux, gourmand. Un exemple.  Ce n’est pas pour rien qu’il était directeur du comité technique de l’association internationale de la sommellerie (ASI), notamment en charge des concours internationaux. Je l’avais fait nommer jury au Meilleur sommelier de France en novembre dernier. Hélas, sa maladie a eu raison de sa venue. Beaucoup d’humilité, d’écoute – il avait cette capacité ! Nous avions participé ensemble au concours du Meilleur sommelier du Monde en 1992, auquel il est arrivé second. Ça crée des liens, une complicité à jamais. Il a ensuite fait un parcours brillant tout au long de sa carrière, allant chercher le titre en 2010 à Santiago du Chili. C’était monsieur Gérard Basset. Un grand monsieur… » 

 

Serge Dubs, Meilleur sommelier du Monde 1989 : « Depuis l’annonce de son décès, j’ai un sentiment de vide, une infinie tristesse. Comme un trou qui vient de s’ouvrir. Gérard fait partie de l’histoire de la sommellerie. Un personnage qui s’est battu jusqu’au bout, un professionnel de premier ordre que j’admirais beaucoup ! Il avait le cœur et la beauté du métier. C’était aussi et surtout un multifonctionnel – sommelier, entrepreneur, restaurateur… – avec un esprit de partage dans la simplicité. Je suis admiratif de son palmarès incroyable. Avec et derrière lui, je pense à Mina, sa femme, qui a une force colossale et qui l’a toujours soutenu dans son parcours. On le savait malade, le fait de l’accepter est compliqué…  Son départ laisse un grand vide. Gérard sera inimitable dans son ensemble. Son chemin de vie va nous marquer. Il est devenu éternel. »

 

Pascaline Lepeltier, Meilleur sommelier de France 2018, lauréate au MOF 2018 : « Gérard m’a apporté plus que de la sommellerie, que tu peux être beau que si tu donnes… La seule manière d’exceller est simplement de partager, d’être généreux car tu n’es pas grand-chose sur terre. En citant Gérard, tout le monde parle d’humilité, c’est vrai. Souvent il me disait ‘Tu as beau avoir tous les titres, cherche d’abord à être heureuse ! Fais les choses pour le plus grand bien de tous’. Il m’a donné cette énergie incroyable. Ce n’est pas seulement la dégustation à l’aveugle qu’il m’a inculquée, mais tous ces messages. La gentillesse paye. Il a atteint son excellence grâce à tout ça. On a besoin de personne comme lui. Il a énormément partagé, cru aux autres. Les très grands sont souvent les plus humanistes. Monsieur Gérard Basset me manque déjà. »

 

Joelle Marti-Baron, Global Prestige Wine Manager chez Torres à Barcelone (Espagne) : « Contrairement à d’autres amis qui étaient ses protégés nous sommes devenus amis, sans avoir jamais travaillé ensemble. J’ai commencé ma carrière aux côtés d’Eric Beaumard qui avait contacté Gérard pour lui demander « de veiller sur moi » à mon arrivée en Angleterre. A la fin des années 90 il existait un Sommelier Club et nous avons eu la chance de faire pas mal de voyage découvertes ensemble. Puis lors de sa préparation du concours du Meilleur Sommelier du Monde je l´avais accompagné en Oregon et Washington State. Alors qu´il aurait pu voler en business class (pour moi c´était plus compliqué) Gérard m´a juste dit ‘que penses-tu d’economy premium ?’ Cela représente bien Gérard, l´élégance et la bienveillance. Gérard est tout d´abord un maestro, ses connaissances étaient incroyables, et s’accompagnaient de bienveillance, de générosité, d’humour et d´une humilité hors norme. Je pleure en écrivant ses mots car je ne me résous pas à sa disparition. Gérard était une personne formidable qui l’est difficile de raconter, ses colères parfois pouvaient être très amusantes aussi. Nous l’aimions tous très fort et avec sa disparition il y aura dans le cœur de beaucoup de personnes un avant et un après, qu´il faudra apprendre à apprivoiser. »

 

Franck Massard, sommelier et vigneron Epicure Wines à Barcelone (Espagne) : « Gérard est un super-héros et donc invincible. J’ai eu la chance de le rencontrer et de devenir son ami. Ou je devrais plutôt dire qu’il était mon père spirituel. Il m’a pris sous son aile et m’a mis sur le droit chemin du vin. Il était le plus discipliné et avait cette volonté incroyable qui le faisait passer au-dessus de nous tous. C’était aussi un homme autonome, commençant par le bas de l’échelle et s’ajoutant des objectifs comme personne ne le faisait auparavant. Je suis en deuil mais mon super-héros a été appelé pour une autre mission, et je sais qu’il sera toujours là pour nous. »

 

Christophe Brunet, ambassadeur Primium Familiae Vini : « Gérard Basset est une personne qui a influencé le monde du vin. Lorsque je travaillais à Londres, il faisait partie des piliers de la sommellerie. Je me souviens de nombreux voyages avec lui en Espagne, en Italie. C’était un modèle. Avec Franck Massard, son « protégé » comme il l’appelait, nous l’avions soutenu à Athènes pour le Meilleur sommelier du Monde en 2004, qui a couronné Enrico Bernardo. Malgré cela, il savait déjà qu’il y retournerait, d’une persévérance incroyable. Il a écrit ses mémoires ; j’espère que le livre pourra voir le jour et qu’il sera remis dans toutes les écoles hôtelières. Pour moi, il a été une rencontre marquante du vin. »

 

Denis Verneau, chef sommelier à La Mère Brazier à Lyon (69), MOF 2015 et Master of Port 2015 : « La première image qui me vient en tête en pensant à Gérard Basset c’est ce sourire radieux qui illuminait son visage et que même cette moustache légendaire ne pouvait cacher. Il rayonnait par sa présence, il attirait la lumière sans la chercher. C’est l’Homme avec cette grandeur d’âme qui va nous manquer. Un gentleman qui aimait plaisanter et qui avait pris plus du flegme Britannique que de son accent. Et que dire de ce professionnel, il incarnait l’image que je me fais de notre métier. Il était un exemple, un modèle. Un puit de connaissance qu’il savait distiller avec parcimonie et toujours avec justesse. Une sensibilité exacerbée et une envie folle de partager son savoir. »