Ils nous ont quitté cet année

Gens du vin Ils nous ont quittés en 2016

 
par Alexandre Abellan Sur Vitisphère
 
 

N’ayant pas l’ambition d’être exhaustif, ce tour du vignoble français rappelle le souvenir des figures du vignoble qui ont tiré leur révérence cette année.

 
A peine entamée, 2016 a sonné le glas pour le vigneron alsacien Jean Meyer, qui avait repris il y a cinquante ans le domaine Josmeyer, à Wintzenheim (Haut-Rhin). Ce « grand monsieur » en avait converti les 28 hectares aux viticultures biologiques et biodynamiques. Ancien président du Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace, il était connu pour sa passion artistique, et se faisait fort d’illustrer ses cuvées de tableaux.
 

La rudesse de l’hiver a redoublé en rappelant brutalement Pierre Cheval, le « monsieur UNESCO » du vignoble champenois. Ancien haut-fonctionnaire devenu viticulteur à Aÿ, il portait depuis 2007 le dossier d’inscription des coteaux et maisons de Champagne au patrimoine mondial. Un sacerdoce qui a abouti l’été 2015, avec leur inscription en tant que paysage culturel. Cette réussite l’a logiquement conduit à recevoir le titre de l’homme de l’année 2016 de la Revue du Vin de France (aux côtés d’Aubert de Villaine, artisan du classement UNESCO des climats de Bourgogne). Une distinction remise la veille de sa soudaine disparition, dont le vignoble champenois ne s’est pas encore totalement remis.

 

Série noire à Bordeaux

Si 2016 restera un bon millésime dans les annales girondines, c’est une année noire qui aura fauché nombres de figures bordelaises. Dans la force de l’âge, l’ingénieur agronome-oenologue Paul Pontalier s’est éteint en mars, avant de pouvoir présenter les primeurs du château Margaux, qu’il dirigeait depuis 1990. Figure de l’expérimentation dans le vignoble médocain, il a aussi bien essayé les capsules à vis que la biodynamie au premier cru classé de Margaux.

 

Egalement dans la force de l’âge, le professeur Denis Dubourdieu s’en est allé en juillet, alors qu’il venait de recevoir le titre d’homme de l’année de la revue anglaise Decanter et d’être élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur. Le « pape du vin blanc » aura enseigné pendant quarante ans l’oenologie, jusqu’à diriger l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin de Bordeaux (ISVV). Œnologue conseil réputé, il a également développé les propriétés familiales (châteaux Doisy-Daëne, Cantegril, Haura, Reynon et clos Floridène).

 

En 2016, le vignoble girondin déplore également les disparitions en mai du négociant Pierre Lillet« gardien du temple » comme résume Jean-Pierre Stahl pour France3 Aquitaine, en août du propriétaire Frédéric de Luze, le porte-drapeau des Crus Bourgeois du Médoc,  en novembre du négociant Jean-Henri Schÿler, ancien président de l’interprofession…

 

In memoriam

Ayant dirigé de 1973 à 1999 le négoce familial éponyme, Louis Latour était une figure majeure de la Bourgogne viticole. Disparu en avril, son esprit pionnier l’avait notamment pousser à sortir de Bourgogne et planter du chardonnay en Ardèche, du pinot noir dans le Var… « Garant d’une certaine tradition, ancien président du syndicat des maisons de négoce de Bourgogne, il était également le premier à pourfendre l’histoire « officielle » de la Bourgogne et reconnaissait volontiers ne pas croire « à l’évangile des terroirs » » rappelle Bourgogne Aujourd’hui.

 

Figure du vignoble alsacien, Etienne Hugel a stupéfait la communauté des amoureux de vins alsaciens en disparaissant soudainement en avril. Devenu le représentant de la maison familiale (26 ha en propre dans le vignoble de Riquewihr, 115 ha sous contrat), il était la douzième génération vigneronne de la famille. Et réalisait la promotion de ses vins du Haut-Rhin, notamment à l’export (où 85 % des 110 000 caisses produites par le domaine sont commercialisées).

 

Patriarche d’une certaine vision du Languedoc, le vigneron Aimé Guibert s’est éteint en mai. Le long de sa carrière viticole, il a su conserver toute son intégrité. Etant souvent marginal, notamment en plantant en 1972 du cabernet sauvignon, il était également visionnaire, mettant sur orbite le Mas de Daumas Gassac et la reconnaissance du vignoble méditerranéen. Il a parfois joué les gardiens du temple, comme en 2000-2001 quand il a fait barrage aux projets d’investissement à Aniane de l’investisseur américain Robert Mondavi. Face au risque de la « McDonaldisation du vin », le franc-parler d’Aimé Guibert aura accouché d’une phrase emblématique : « le vin de Mondavi, c’est du yaourt ! »

 

Réalisant une tournée promotionnelle en Chine, Antoine Jacquet s’est brusquement éteint. Directeur des Hospices Civils de Beaune, il gérait aussi bien les activités hospitalières que viticoles. Tenues ce 20 novembre, les 156èmes ventes aux enchères des vins des Hospices de Beaune lui ont rendu hommage, et ont récolté 8,4 millions d’euros.

 
 
Photo: Jean Meyer, Pierre Cheval, Paul Pontalier, Denis Dubourdieu, Louis Latour, Aimé Guibert et Antoine Jacquet. – crédit photo : DR